1905
Article mis en ligne le 22 décembre 2010
dernière modification le 8 septembre 2014

par Claire MOURIER

Le principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat posé par la loi de 1905 affirme la liberté du culte. Souvenons nous que la poursuite des hérésies par le pouvoir royal à la demande de l’Eglise a commencé il y a des siècles ! L’histoire de la France, fille aînée de l’Eglise, est jalonnée de conflits portant sur l’exercice du culte et le rôle de l’Eglise dans la vie publique. Il y eut les répressions sanglantes contres les cathares, les juifs, les protestants, les incroyants, puis plus tard encore l’opposition entre « la calotte et la laïque » et enfin les atrocités commises au vingtième siècle, sans oublier l’affaire Dreyfus qui joua un rôle déterminant dans les résolutions qui ont suivi ce douloureux procès !

La liberté de culte est un principe fondamental dans notre pays. C’est pourquoi, il ne peut exister de restrictions à ce principe sauf en cas de trouble à l’ordre public ou de pratique sectaire avérée. Aussi, la contrepartie de cette liberté est le principe de neutralité de l’Etat vis-à-vis des croyances. C’est pourquoi, lors de son investiture, le président de la République française ne jure pas sur la bible de servir son pays et ce faisant, il réaffirme le principe de neutralité. Cette situation particulière dans notre pays n’est pas partagée par les pays européens qui font référence à la religion d’Etat lors des manifestations publiques et affichent des symboles religieux dans les lieux publics.

La loi de 1905 a connu des prolongements législatifs qui ont permis notamment de préciser les modalités de mise à disposition des biens immobiliers pour les Églises ainsi que les règles présidant à leur entretien. C’est ainsi que les bâtiments affectés exclusivement à l’exercice du culte édifiés avant la loi de 1905 ont été dévolus aux communes sur lesquelles ils étaient implantés, charge à elles de les entretenir et de les mettre à disposition.

C’est grâce à ces mesures que le maire du Chesnay est tenu de réaliser les travaux de restauration de l’église Saint Germain et même si ces obligations portent exclusivement sur le clos et le couvert, ne chipotons pas, il convient que le paroissien soit confortablement installé et chauffé et que l’Église soit respectée, l’investissement financier de ces travaux en est un signe.

Cependant, en 1905, la question du culte ne touchait pas les musulmans peu nombreux sur notre territoire et les lois européennes n’avaient pas encore précisé les contours de la liberté de religion !
Il n’en est pas de même aujourd’hui et on voit bien que la crispation religieuse revient dans la sphère publique. Les propos récents de la représentante du parti du front national sont à cet égard complètement déplacés. Martine Aubry, première secrétaire du parti socialiste, a eu raison de rappeler lors d’une interview politique, que si les musulmans priaient dans la rue c’était bien parce que,au regard de l’exercice du droit de culte, ils n’étaient pas traités équitablement par la puissance publique !

La loi de 1905 permet l’exercice du droit de culte, elle ne prévoit pas d’en favoriser l’un par rapport à l’autre. Les lois européennes rappellent ces principes. Les migrations des peuples, l’ouverture au monde, rendent plus complexe le traitement de ces questions sur lesquelles il convient de faire preuve de discernement et de modération. Aussi, quelques pistes pourraient être proposées pour que le culte musulman puisse s’exercer dans les mêmes conditions de dignité que ce qui est accordé aux autres religions du Livre, ce serait un progrès significatif.

Mais il serait également souhaitable de respecter le principe de séparation qui nous gouverne encore, en s’abstenant de faire précéder les commémorations par une messe, en s’abstenant d’inclure dans les fêtes municipales des célébrations ou même des processions dans l’espace public.

Car, en effet, comment répondre au souci des uns et des autres de limiter des demandes pour la prise en compte des particularités alimentaires ou vestimentaires, des jours de fêtes ou de pratique religieuse, si on ne veille pas à maintenir pour tous, dans la sphère privée, l’exercice du culte et la pratique religieuse ?

L’inquiétude que nous pouvons avoir à cet égard trouve également des prolongements dans la vie sociale. En effet, dans toutes les religions, la pratique de l’aumône ou de la solidarité par la diaconie est la règle et on ne saurait s’en plaindre au regard des actions remarquables conduites par les fondations, associations caritatives confessionnelles. En contrepartie des dons qui leurs sont adressés, des avantages fiscaux sont consentis, soit !

Mais, la cohésion sociale, la garantie du traitement égal de tous sur l’ensemble du territoire, la solidarité nationale, l’égal accès au service public, la prise en compte des droits ? Assurément, il ne revient pas aux Églises de prendre cette place. C’est en se désengageant de ses devoirs au regard de la solidarité que la puissance publique génère les renforcements de conduites communautaires dont les dangers doivent être mesurés avec lucidité et responsabilité.

Pour notre territoire, force est de constater que la place réservée aux représentants du culte catholique est affirmée : dans le bulletin municipal, dans l’organisation des manifestations, dans les allocutions du premier magistrat de la commune. L’organisation d’une messe en l’église Saint Germain à l’occasion du 11novembre 2010 interdit de fait le témoignage du sacrifice de tous les musulmans, juifs, incroyants, protestants, athées militants engagés au sein de l’armée française pendant la guerre de 14 – 18. On doit le regretter et espérer que ces pratiques soient revisitées.