Du mariage !
Article mis en ligne le 13 octobre 2012
dernière modification le 8 septembre 2014

par Claire MOURIER

Du mariage !

Georges Duby, dans son ouvrage : « le chevalier, la femme et le prêtre »

éclaire les origines de l’institution du mariage, autour de l’an 1000. Selon l’auteur, « Les rites du mariage sont institués pour assurer dans l’ordre la répartition des femmes entre les hommes, pour discipliner autour d’elles la compétition masculine, pour officialiser, pour socialiser la procréation.
Désignant qui sont les pères, ils ajoutent une autre filiation à la filiation maternelle, seule évidente. Ils distinguent des autres les unions licites, ils attribuent aux enfants qui en naissent le statut d’héritiers, c’est-à-dire des ancêtres, un nom, des droits.
Par lui, la transmission des richesses de génération en génération se trouve régularisée, il soutient par conséquent les infrastructures, il n’en est pas dissociable- et ceci fait que le rôle de l’institution matrimoniale varie selon la place tenue par l’héritage dans les rapports de production, qu’il n’est pas non plus le même à tous les niveaux de la hiérarchie des fortunes, qu’à la limite il n’en a plus pour l’esclave ou le prolétaire qui, ne possédant pas de patrimoine, naturellement s’accouplent mais ne se marient pas. Cependant, puisque le mariage ordonne l’activité sexuelle, ou plutôt la part procréative de la sexualité – il relève aussi du domaine mystérieux, ténébreux des forces vitales, des pulsions, c’est-à-dire du sacré. La codification qui le régit ressortit par conséquent de deux ordres, le profane et, disons, le religieux. Habituellement les deux systèmes de régulation s’ajustent l’un à l’autre et s’appuient mutuellement. Mais il est des moments où ils cessent de s’accorder. Cette discordance temporaire impose aux pratiques matrimoniales de se modifier, d’évoluer vers un nouvel équilibre. .. »

C’est à partir de cette analyse et des textes de l’époque que l’historien saisit la part prise par le religieux dans l’organisation sociale, la codification du lien matrimonial, jusqu’au lien amoureux, précisant ce qui est licite et ce qui est illicite.

Si au cours de l’histoire de notre pays, le rôle de l’Eglise a été variable selon le contexte politique et les mœurs de nos dirigeants, il n’a pas pour autant complètement disparu du débat civil sur le régime matrimonial. Pourtant, certains osent quelques observations sur le rôle excessif que prétend jouer l’église catholique dans le débat sur le mariage. Ainsi le père jésuite Joseph Moingt souligne dans un article remarquable de la revue Etudes :

« Sur le plan de la moralité, elle (l’Eglise catholique) lie l’usage de la sexualité au mariage légitime et à la procréation en vertu d’une loi naturelle qui a Dieu pour auteur et dont elle a la garde. Mais les
anthropologues savent bien que les règles matrimoniales sont affaire de conventions sociales qui varient selon les temps et les lieux ; ce que les moralistes anciens considéraient comme « loi naturelle » n’était pas indemne des coutumes sanctionnées par la loi civile ; et dès lors qu’on fait appel à la « nature », on se place sous le régime de la raison commune. Certes, celle-ci est
sujette aux variations et errements, mais la morale de l’Eglise n’en est pas exempte non plus, et c’est souvent avec sagesse qu’elle a su tenir compte des évolutions des mœurs.
Aujourd’hui, par exemple, bien qu’elle professe que les jeunes couples non mariés « vivent dans le péché », elle les accueille avec bonté pour les préparer au mariage sacramentel ou pour baptiser leurs enfants ; des voix autorisées de plus en plus nombreuses préconisent un accueil semblable dans les communautés chrétiennes au bénéfice des divorcés remariés.
L’Eglise devrait accepter un libre débat sur les questions éthiques qui intéressent toutes les sociétés et y entrer elle-même, sans s’arroger un droit exclusif et absolu d’enseignement. »